Moratoire sur les zones commerciales en périphérie : la controverse
Ce moratoire, accordé par Emmanuel Macron lors de la convention citoyenne sur le climat le 29 juin dernier, vise à freiner l’expansion des zones commerciales en périphérie des villes. Le bétonnage excessif des villes et ses conséquences environnementales est un sujet qui fait assez largement consensus. Cependant, il serait imprudent d’accabler les zones commerciales de tous les maux sans tenir compte des conséquences d’une telle décision.
Les enjeux du moratoire
La Convention citoyenne pour le climat indique dans son rapport que l’artificialisation des sols augmente d’environ 8,5% par an. Cet étalement urbain a touché, entre 2006 et 2015, l’équivalent d’un département français.
Le gouvernement a reconnu, par l’intermédiaire du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, que « la France est allée trop loin ». Il a décidé de sanctionner les seules zones commerciales en annonçant un moratoire sur celles-ci en périphérie des villes. Le 27 juillet dernier, Barbara Pompili informe officiellement de la mise en œuvre du moratoire. C’est sous la forme d’une circulaire que le Premier ministre Jean Castex demande aux préfets d’agir sur les autorisations d’aménagement commercial. L’exécutif prévoit en outre d’intégrer le moratoire dans le projet de loi de finance attendu pour la fin de l’année.
Les commerces, seuls responsables ?
Le spectacle de zones commerciales peu entretenues, laissées à l’abandon est devenu familier pour les citoyens français. Cette image négative ne doit cependant pas faire porter toute la responsabilité de l’artificialisation des sols au secteur.
L’urbanisation pavillonnaire est une des causes de l’imperméabilisation des sols, selon Nathalie Lemarchand, géographe et professeure à l’université de Paris8 Vincennes–SaintDenis. Pour Gontran Thüring, délégué général du Conseil national des centres commerciaux, « le commerce périphérique est loin d’être le seul responsable de la dévitalisation des centres-villes ». Il rejette l’idée d’un moratoire généralisé car selon lui « chaque ville connaît une situation particulière ». Enfin, il rappelle que l’artificialisation de terres agricoles n’a concerné que 4 % d’entre elles pour l’installation de commerces.
Alice Colsaet est doctorante à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Sa recherche porte sur les causes de l’artificialisation des sols et sur l’articulation entre logiques économiques et politiques publiques. Elle reconnaît un « lien indirect » entre le développement des zones commerciales et l’artificialisation des sols. L’effet d’attractivité de ces aires marchandes incite « encore davantage à s’installer en périphérie ». La chercheuse regrette, en outre, « une surabondance des surfaces commerciales » non corrélée à la croissance démographique.
Les conséquences du moratoire
Le puissant délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel, concède que l’offre du secteur alimentaire est « sans doute arrivée à un niveau certain ». Néanmoins, il rajoute que « la demande est en hausse dans certaines catégories de commerces non alimentaires (sport, bricolage, électronique) ou dans certaines zones géographiques ». Il désapprouve également un moratoire généralisé qui risque, selon lui, d’empêcher une adaptation aux flux de population. Enfin, le moratoire sur les zones commerciales risque d’avantager les commerces présents uniquement en ligne, comme Amazon. Les sociétés foncières exigent que les immenses entrepôts de ces e-commerces entrent dans le champ du moratoire. Revendication partagée avec des associations de défense de l’environnement. Dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, l’association Les Amis de la Terre demande que le moratoire intègre « les entrepôts de e-commerce qui aggravent l’artificialisation des sols, font exploser les produits importés et l’empreinte carbone de la France, et détruisent des dizaines de milliers d’emplois dans la grande distribution et les commerces de proximité. »
Les alternatives
Les réflexions et les propositions se multiplient bien avant la parution du projet de loi.
Pour Gontran Thüring, un moratoire généralisé va nuire au « redéveloppement, à la restructuration et à la modernisation des équipements existants ». Il estime que dans la société actuelle, où les modes de consommation évoluent très vite, il est nécessaire « d’accélérer les procédures administratives. On ne peut pas attendre des années avant de pouvoir rénover un centre commercial, car c’est alors trop tard. ». Il propose densification et création de programmes mixtes (logements/commerces) pour éviter d’artificialiser de nouvelles terres.
Jacques Creyssel ne rejette pas l’objectif « zéro artificialisation nette », mais il explique : « Si on bloque les nouvelles implantations, il est impératif que cela s’accompagne de l’allègement des règles pesant sur la modernisation des bâtiments existants ». En effet, ces règles ont tendance actuellement à encourager « la construction d’un nouveau magasin plutôt que de rénover », déplore-t-il.
Alice Colsaet, propose quant à elle « d’encadrer un peu plus sévèrement ce que l’urbanisme permet de faire », car aujourd’hui « la régulation est très décentralisée et dépend un peu du bon vouloir de chaque intercommunalité. »
Enfin, Nathalie Lemarchand élargit la réflexion à la mobilité des populations périurbaines : « les nouvelles zones pavillonnaires ont souvent plus facilement accès aux zones commerciales périphériques dans un déplacement quotidien lié au travail qu’au centre-bourg ».
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