La loi ELAN, régulatrice de l’urbanisme commercial
La loi ELAN, traitant de l’évolution de logement, de l’aménagement et du numérique, consacre 17 de ses articles à l’urbanisme et le développement commercial. Le texte de loi initial a été sensiblement modifié par les parlementaires en ajoutant une possibilité de suspendre des projets commerciaux en périphérie, conventions ORT, DAAC obligatoires et des évolutions des CDAC.
Après quasiment 3000 amendements déposés et 90 heures de débats, le texte de compromis du projet de loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) a été ratifié par le parlement le 16 octobre 2018 par une commission mixte Assemblée-Sénat. Promulguée le 23 novembre, cette loi compte 234 articles, contre 66 initialement prévus, organisés en quatre titres : « construire plus, mieux et moins cher » ; « répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale » ; « améliorer le cadre de vie » et « évolution du secteur du logement social ». Dans le journal officiel du 24 novembre ont été publiés les 80 ordonnances et décrets du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relatifs à cette loi.
Le texte traite de sujets divers telle la revitalisation des centres-villes, de l’urbanisme commercial, du très haut débit ainsi que de l’évolution du logement social entre autres.
Ce qui au départ ne devait être que de simples ajustements des dispositifs règlementaires existants s’est développé en une refonte complète présentant des mesures réglementaires encadrant l’urbanisme commercial par l’intermédiaire de nouveaux instruments d’aménagement. Les sénateurs Rémy Pointereau (LR) et Marteil Bourquin (PS) ont grandement participé à l’enrichissement de ces mesures en portant une proposition de loi intitulée « Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ». Initialement prévu sur 1 seul article, ce domaine s’est finalement étendu sur 17 articles (art. 157 à 174) de la loi ELAN.
Convention ORT et urbanisme commercial
Un de ces articles, le 157, met en place les ORT (Opérations de Revitalisation de Territoire) dont le périmètre prend en compte nécessairement le centre-ville principal de l’intercommunalité qui est en convention avec l’état.
Présenté comme un « contrat intégrateur social », le contenu de nouveau dispositif est conséquent. Comprenant des mesures portant sur « l’adaptation et la modernisation du parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire pour améliorer son attractivité, la lutte contre l’habitat indigne, la vacance des logements et des locaux commerciaux et artisanaux, la réhabilitation de l’immobilier des loisirs, la valorisation du patrimoine bâti et la réhabilitation des friches urbaines dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable ».
Les 222 communes du dispositif « Action cœur de ville », en proie à la désertification de leur centre-ville, après un engament via la convention d’état ORT pourront s’appuyer sur cet outil afin de revitaliser leur urbanisme.
Cette convention d’état prévoit notamment « des actions ou opérations favorisant, en particulier en centre-ville, la création, l’extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales ou artisanales » et « des actions destinées à moderniser ou à créer des activités ou des animations économiques, commerciales, artisanales, culturelles ou touristiques, sous la responsabilité d’un opérateur ». Des droits de préemptions urbain renforcé et sur les fonds artisanaux, de commerces, baux commerciaux et terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial pourront être instaurés par l’ORT.
Centres-villes et périphéries
Après douze années placées sous l’égide de la réglementation Bolkenstein et de la loi LME, le nouveau texte offre une vision inédite de l’urbanisme prenant en compte la revitalisation des centres-villes et l’encadrement du développement commercial des périphéries.
Tout projet rentrant dans les prérogatives d’une ORT seront exemptés d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) à l’exception de certaines opérations dépassant 5000 m2 de surfaces de vente ou de magasins à prédominance alimentaire d’au moins 2500 m2.
Concernant les périphéries, le préfet aura plus de latitude pour piloter les autorisations d’exploitation commerciale ou encore suspendre certains dossiers nuisibles aux centres-villes après avis ou à la demande de l’EPCI et des communes signataires d’une convention d’ORT (article 163). La décision pourra s’appuyer sur la vacance de la zone commerciale et de logements ainsi que le niveau de chômage cette même zone. En cas de refus, un délai d’une durée initiale de trois ans pourra être étendu d’une année supplémentaire.
Le DAAC rendu obligatoire par la loi ELAN
Le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) intégré au DOO du Scot est rendu obligatoire par l’article 169 de la loi ELAN. Ce document devra déterminer « les conditions d’implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’aménagement du territoire, le commerce des centres-villes et le développement durable ».
Les informations regroupées dans les DAAC devront déterminer les conditions du « développement ou le maintien du commerce de proximité dans les centralités urbaines et au plus près de l’habitat et de l’emploi, en limitant son développement dans les zones périphériques », définir « les conditions d’implantations des constructions commerciales en fonction de leur surface, de leur impact sur les équilibres territoriaux, de la fréquence d’achat ou des flux générés par les personnes ou les marchandises », délimiter « les conditions permettant le développement ou le maintien de la logistique commerciale de proximité dans les centrales urbaines afin de limiter le flux de marchandises périphériques vers les centrales urbaines », prévoir « l’implantation d’une construction logistique commerciale à la capacité des voiries existantes ou en projet à gérer les flux de marchandises » et règlementer « l’implantation d’une construction à vocation artisanale ou commerciale en fonction de l’existence d’un desserte par les transports collectifs, de son accessibilité aux piétons et aux cyclistes ».
Des projets à justifier et analyser
Une analyse d’impact du projet devra être fournie à la CDAC (Commission Départementale d’Aménagement Commercial) par le requérant en amont de sa demande d’autorisation. Cette commission prendra en compte la contribution économique du projet « à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’EPCI à fiscalité propre dont la commune d’implantation est membre ».
Ces différentes analyses d’impact du projet seront réalisées par des organismes indépendants, habilités par le préfet, qui évalueront « les effets du projet sur le développement économique et son animation » des zones concernées par la demande. Le développement de l’emploi sera également vérifié « en s’appuyant notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre en m2 commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires ».
Dans son analyse d’impact préliminaire, le demandeur d’une AEC devra démontrer « qu’aucune friche existante en centre-ville ne permet l’accueil du projet envisagé. En l’absence d’une telle friche, il doit démonter qu’aucune friche existante en périphérie ne permet l’accueil du projet envisagé ».
Toutes ces dispositions seront applicables aux demandeurs d’une AEC à partir du 1er janvier 2019. À la suite de son attribution, l’AEC devra être compatible avec le DOO (Documents d’Orientation et d‘Objectifs) et les OAP (Orientations d’Aménagement et de Programmation).