Le groupe Accor investit dans ses restaurants d’hôtels
AccorHotels, afin se démarquer de ses concurrents, s’intéresse de près à la restauration au sein de ses hôtels, avoisinant un niveau gastronomique…
« Le restaurant et le bar, c’est l’âme d’un lieu »
Amir Nahai, directeur de la branche Nourriture&Boissons du groupe AccorHotels depuis 2015 déclare : « Longtemps, la restauration a été perçue comme un mal nécessaire chez AccorHotels ». Cet Américain au français remarquable est un ancien du cabinet de conseil newyorkais Bain&Company dont il fut débauché par le très persuasif PDG d’AccorHotels Sébastien Bazin.
Il passe alors plusieurs mois à scruter les forces et faiblesses du groupe pour en parvenir au constat que la restauration est un enjeu capital.
S’ils réussissent à séduire les locaux, alors on attirera les voyageurs » annonce l’expert culinaire. Ce déclic vient sûrement du moment où le groupe a rejoint le capital de Mama Shelter, en 2014. Selon Amir Nahai, « être principalement hôtelier n’est pas une excuse pour ne pas offrir un expérience culinaire remarquable ».
Il identifie alors huit points clés qui vont du soucis de manger rapidement et bien à un désir de transparence ou bien l’importance des réseaux sociaux. « Cela vaut aussi pour le service, beaucoup moins guindé aujourd’hui. Dans de nombreux restaurants à la mode, vous verrez des serveurs tatoués qui ne portent pas d’uniforme et sont tout aussi passionnés et compétents. » Investi par sa vision, celui qui chapeaute aussi les marques Lifestyle du groupe conjugue ses « quatre commandements » sur le papier :
- offrir simplicité et excellence
- proposer des expériences inoubliables
- soigner la clientèle dont les avis sur internet ont un impact crucial
- inspirer et motiver le personnel.
Il laisse ensuite les différentes enseignes du groupe adapter ce concept à leur sauce. « Je dis souvent qu’en restauration la moitié du succès, c’est grâce à des choses qu’on a commencé à faire, mais l’autre moitié, c’est grâce à des choses qu’on a cessé de faire », ajoute-t-il.
Adieu aux cantines standards à la décoration banale
Désormais, les établissements comme Novotel ou Ibis ont pour ambition d’attirer des fines bouches. Mürver Restaurant à Istanbul ne ressemble pas à un restaurant Novotel classique. Avec sa vue panoramique sur le détroit d’Istanbul et son four à bois il est remplis quasiment tout les soirs, et 75% de ces clients ne séjournent pas à l’hôtel.
À Bastille (Paris), le Génie sous les étoiles, décoré par l’illustre Stella Cadente ou bien le très décontracté Chill #02, à Cambridge, réussissent aussi à capter une clientèle locale. « On n’est plus dans un univers où les standards sont dessinés pour l’ensemble des hôtels, s’exprime le consultant Georges Panayotis, président et fondateur de MKG Group. C’est un environnement dans lequel les talents et les âmes s’expriment. » Au niveau du management tout est alors changé : « Nous sélectionnons davantage sur la personnalité et l’attitude, quitte à former sur le reste, explique Amir Nahai. Nous réfléchissons aussi à faire de certains chefs des partenaires, actionnaires du restaurant. »
Une autre nouveauté : offrir des expériences inoubliables
Par exemple, au Novotel de Hambourg (Allemagne), les clients peuvent prendre leur repas dans les cuisines. « Ce sera le cas dans de nombreux restaurants, s’enthousiasme Amir Nahai. Au Raffles de Londres, qui est installé dans l’ancien War Office de Winston Churchill et sera probablement l’un des plus beaux établissements du monde, les clients pourront boire un verre au bar, dans son ancien bunker. »
Bien sûr, il faut aussi proposer des plats d’un niveau semblable à celui de l’environnement. « Les émissions de télé, la mise en avant de l’expérience par la gastronomie ont rendu la clientèle plus sensible, plus cultivée aussi, avec une palette plus riche », remarque Georges Payanotis.
Pour attirer des amateurs de gastronomie, AccorHotels a fait appel à Alain Ducasse et Anne-Sophie Pic pour la carte du Raffles Singapour, qui ouvrira ses portes cette année. A Paris, Nobu Matsuhisa signe celle du Mastuhisa tandis que Christan Constant, chef étoilé et ancien membre du jury de Top Chef, a imaginé les Cocottes, un bistrot chaleureux et inscrit dans la tradition. Le groupe prévoit de plus de faire appel à Yannick Alléno pour une collaboration dans le but de mettre en avant le savoir-faire français dans des lieux d’exceptions qui, tout comme la gastronomie française, sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.
Qui dit croissance stable dit aussi développement durable
Ainsi, le groupe s’est engagé à une charte visant à réduire le gaspillage alimentaire de 30% d’ici 2020. « On encourage l’utilisation de produits bio ou éthiquement sourcés pour tout ce qui est café et céréales, déclare le DG. Dans le pôle luxe en France, on a basculé dans les fruits et les légumes bio… Mais certains des succès dont je suis le plus fier ont eu lieu dans nos hôtels économiques. Lorsque je suis arrivé, la carte des Ibis proposait 60 plats. Aujourd’hui, elle n’en a plus que 20 à 25, de saison, avec un meilleur rapport qualité-prix, et un impact sur l’environnement bien moindre. »
Ce nouvel axe de travail est déjà payant.« Ces trois dernières années, on a connu une croissance plus forte dans la restauration que dans l’hôtellerie, poursuit-il. On a augmenté nos marges de deux points, j’ai des collaborateurs plus engagés et des clients plus satisfaits. Je commence toujours par dire à mes équipes : « Ne vous demandez pas comment faire pour que les clients viennent, mais comment faire pour qu’ils reviennent. »
Nicolas Sarkozy, VRP du groupe
L’ex-président français a ses parts chez AccordHotels. Il siège en effet au CA du groupe depuis février 2017 et dirige le comité de stratégie internationale. Cela n’est pas une surprise, en effet Nicolas Sarkozy est un vieil ami du PDG d’Accor-Hotels Sébastien Bazin (en 1993, Nicolas Sarkozy négociait la libération de sa fille prise en otage dans une maternelle de Neuilly-Sur-Seine).
Leurs chemins se croisent de nouveau en 2011 lorsque le fonds Colony Capital Europe revendait le PSG à Qatar Sport Investment où Nicolas Sarkozy fut l’entremetteur. L’ancien président participe à toutes les réunions (14 par ans) et a touché en 2017, 86 355 euros.« J’ai trouvé chez Accor la même complexité que quand on dirige un Etat, mais avec une exigence de rapidité et d’exécution plus grande », a-t-il déclaré récemment.